La révolution kabyle ne sera pas télevisée

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Par: Rachid CHABANE

Partout dans le monde, les droits des minorités sont quotidiennement bafoués dans des proportions variables, proportionnellement au degré de péjoration de l’idée que se fait la majorité sur la minorité avec laquelle elle cohabite. Si, aux USA, la constitution offre le droit à toute communauté de défendre ses intérêts, en Algérie toute communauté se heurte à un statut quo constitutionnel muet comme ses constantes, qui ne provient pas de la réalité historique du pays ni d’un consensus résultant d’un débat, mais tout simplement d’une poignée d’hommes qui a détourné la révolution pour décider contre le courant de l’histoire que les choses se passent ainsi et pas autrement. 

Pour eux, la vérité est, comme disait Aristote, un livre sur les pages duquel il n’ y a en réalité rien d’écrit. Ils profitent, nos Ben Bella et autres visionnaires d’en deçà du bout de leur nez, pour écrire les pages du livre Algérie à leur sinistre façon. La réalité algérienne c’est eux et tout ce qui n’est pas eux n’est rien. Avec eux l’Algérie est devenue une créature historique, sans queue ni tète qui finira dans le livre des mythes et des chimères.

Parmi les amis de longue date que j’ai eus, il y a un arabe algérien que j’ai connu depuis les années 80. Me connaissant très bien, il a toujours eu du mal à me taxer de raciste. À ce jour, je lui ai, dans notre « amicalité » sans limites, collé une étiquette de colon et il a toujours eu du mal à s’en débarrasser. J’ai une langue maternelle que je veux enrichir et développer comme tu es entrain de faire avec celle de ta maman, en quoi ça te gênerait que j’aies les mêmes sentiments envers ma langue maternelle que toi envers la tienne ? Si tu t’opposes à ma langue comme l’avait fait le clan d’Oujda, en quoi différerais-tu de ce colon qu’était la France et qu’on a combattu ensemble dans le cadre de notre « bounioulerie » collective ? On avait commencé comme associés pour terminer comme associés, mais si maintenant tu décides de prendre la place de ce colon, ne serait-il pas légitime de ma part de te combattre ? Si toi, tu es jaloux et fier de ta langue maternelle, comment considérerais-tu un citoyen de ce monde qui ne montre aucune affection, aucun intérêt sur son propre sol, pour sa langue maternelle ? Après tout, sur quelles pensées philosophiques ou religieuses te bases-tu pour me priver de ma langue ? Trouves-tu juste, mon cher compatriote, que des milliards de dollars soient dépensés pour la promotion de ta langue et qu’une portion de cette argent est destinée pour ma culture, seulement, dans le but de construire des prisons pour y enfermer ceux qui la revendiquent ? Si notre administration bâthiste jusqu’à la queue des chromosomes applaudit le fait que tu prénommes ton fils Antar, Zouhir ou Qaïs qui appartiennent à l’héritage pré-islamique du désert de l’Arabie, trouves-tu normal de m’empêcher d’appeler mon fils Massinissa, Takfarinas ou Yugurthen, ces vrais fils de l’Algérie qui ont combattu jusqu’à leur dernière goutte de sang pour cette terre qui t’appartient ; ou encore ma fille Thiziri qui signifie tout bellement clair de lune ? Vois-tu donc à quel point tu ignores, dans ton statut de majoritaire, ton degré d’injustice à mon égard ? Au lieu de dépenser ton énergie à rendre hommage à ceux qui ont fait l’histoire de l’Arabie, rejoins-moi dans mes efforts à honorer les héros qui ont fait l’histoire de ce pays que toi et moi partageons depuis 14 siècles.

Il m’a répondu que c’est le système qui a créé le MAK, qu’il se démerde avec. Mais maintenant que l’idée de l’autonomie est lancée, rien n’arrête la musique. Le pouvoir qui a toujours tourné le dos à la réalité algérienne en l’esquivant à l’aide d’artifices siamois genr « mains de l’étranger », « hizb França », ou encore faire jouer la JSK le jour du printemps berbère/kabyle, étant réputé très nerveux à la gâchette, va finir dans sa froideur par perdre son sang froid et tirer sur les Kabyles, ce qui risquerait de provoquer en Kabylie un sentiment plus extrême encore : le sentiment d’indépendance. Et, là, ça va être grave. Sinon le programme d’autonomie s’il est interprété avec courage et sans arrière-pensées risque de s’avérer séduisant et permettra aux différentes régions d’Algérie de mieux négocier leurs intérêts. Économiquement, en premier lieu, une région comme Ouargla, pauvre nourricière de notre pays en profitera au plus haut degré. Mais nous, les algériens, avons toujours eu peur des choses nouvelles, nous préférons rafistoler du vieux que sauter sur quelque chose de nouveau. On l’a vu avec le multipartisme. On a toujours décrié le FLN depuis très longtemps, mais aux élections, y compris en Kabylie, les gens ont voté pour ce parti. Nos réticences au changement s’illustrent par ce proverbe populaire algérien qui dit « m’walfa wala m’talfa » (mieux vaut la chose à laquelle on est habituée que l’inconnue).

Notre mois kabyle s’est terminé comme il a commencé. Il a débuté par un poisson d’avril pour se terminer en queue de poisson. En matière d’audience désemparée, nos leaders qui ont pêché en eau trouble n’ont eu droit qu’à une pêche miraculeuse. Comme si notre avenir était dans l’eau. Le résultat de cette pêche, une marche multiple à laquelle avaient participé des marcheurs semblables qui ont marché comme des homo-erectus sur des trottoirs parallèles qui ne se rencontrent pas, à leurs têtes des organisateurs divisés par les mêmes causes qui, au lieu de regarder la réalité en face, préfèrent se regarder dans le blanc de l’œil. Si le terme politique se traduit en arabe par ‘’es-siassa ‘’ qui signifie approximativement, « délicatesse du propos », chez les kabyles, notre tempérament politique semble se résumer par cette phrase, dans son contexte, belle et innocente, d’Akli Yahyatène « inas i m la3youne Tawes balak atayes » (dis à la belle Taos de ne pas faire de concessions).

Ce 20 avril était pour le pouvoir algérien, ni plus ni moins qu’une occasion de s’illustrer, une fois de plus, dans sa manie de traiter également des situations qu’il aurait, lui-même, jugées inégales.

J’avais deviné en ce 20 avril que la télévision du pouvoir algérien passerait sous silence les marches illégales organisées par le MAK mais je me suis dit qu’elle allait nous montrer, au moins, les images des manifestations légales organisées par le RCD, voir même, des commentaires. Ce ne fut rien de tout ça. Et des marches, à la télévision du pouvoir, légales ou pas, il n’y en avait point. Ça m’a tout de suite rappelé la chanson de l’activiste noir américain Gil Scott- Heront intitulée « The Revolution Will Not Be Televised ».

 

The Revolution Will Not Be Televised Une chanson composée en 1971 et qui a été classée en 2010 par le magazine New Statesman dans le top 20 de la chanson politique. Elle avait auparavant fait son apparition dans le film Hurricane qui racontait l’emprisonnement injuste du boxeur Rubin Carter et le combat mené pour sa libération. Nous dédions cette chanson à toutes les bonnes volontés du monde qui militent dans les hostilités de l’ouragan bâhiste pour libérer la Kabylie de son emprisonnement politique, identitaire et culturel. Nous saluons tous les militants de la cause Kabyle - autonomistes, in dépendantistes ou autres - et tous les héros tombés au champ d’honneur de la revendication. En rendant hommage à leurs mémoires chaque année, avec toujours plus de maturité et d’union, notre printemps kabyle n’en sera que plus beau. Et n’oublions pas que toute puissance est faible à moins que d’être unie [1].

R.C, source

Notes
[1] L’union fait la force. [Esope] ; L’union même de la médiocrité fait la force. [Homère]

Commentaires

  1. Esprit_Libre
    Esprit_Libre
    6 août, 2010 | 13:

    tout cela est bien admirable et meme trop bien dit! sincèrement, j’apprécis!
    car il est rare de trouver des personnes qui savent ce a quoi elles ressemblent, encore moins qui savent se décrirent moralement ou encore ceux qui savent ce qu’ils attendent de cette vie!

    bonne chance dans votre vie et dans tout ce que vous entreprenez:&Merci mon frère&

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